La femme et le pantin by Pierre Félix Louis

La femme et le pantin by Pierre Félix Louis

Auteur:Pierre Félix Louis [Louis, Pierre Félix]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fiction
Éditeur: Feedbooks
Publié: 2011-02-19T23:00:00+00:00


Chapitre 8

Où le lecteur commence à comprendre qui est le pantin de cette histoire.

Deux matins, deux jours et deux nuits interminables succédèrent. J’étais heureux, souffrant, inquiet. Je crois bien que sur les sentiments contradictoires qui m’agitaient en même temps, la joie, une joie trouble et presque douloureuse, dominait.

Je puis dire que pendant ces quarante-huit heures, je me représentai cent fois « ce qui allait arriver », la scène, les paroles et jusqu’aux silences. Malgré moi, je jouais en pensée le rôle imminent qui m’attendait. Je me voyais, et elle dans mes bras. Et de quart d’heure en quart d’heure, la scène identique repassait, avec tous ses longs détails, dans mon imagination épuisée.

L’heure vint. Je marchais dans la rue, n’osant m’arrêter sous ses fenêtres, de peur de la compromettre, et pourtant agacé en songeant qu’elle me regardait derrière les vitres et me laissait attendre dans une agitation étouffante.

« Mateo ! »

Elle m’appelait enfin.

J’avais quinze ans, monsieur, à cet instant de ma vie. Derrière moi, vingt années d’amour s’évanouissaient comme un seul rêve. J’eus l’illusion absolue que pour la première fois j’allais coller mes lèvres aux lèvres d’une femme et sentir un jeune corps chaud plier et peser sur mon bras.

M’élevant d’un pied sur une borne et de l’autre sur les barreaux recourbés, j’entrai chez elle comme un amoureux de théâtre, et je l’étreignis.

Elle était debout le long de moi-même, elle s’abandonnait et se raidissait à la fois. Nos deux têtes jointes par la bouche se penchaient ensemble sur l’épaule en haletant des narines et en fermant les yeux. Jamais je ne compris aussi bien, dans le vertige, l’égarement, l’inconscience où je me trouvais, tout ce qu’on exprime de véritable en parlant de « l’ivresse du baiser ». Je ne savais plus qui nous étions, ni rien de ce qui avait eu lieu, ni ce qu’il adviendrait de nous. Le présent était si intense que l’avenir et le passé disparaissaient en lui. Elle remuait ses lèvres avec les miennes, elle brûlait dans mes bras, et je sentais son petit ventre, à travers la jupe, me presser d’une caresse impudique et fervente.

« Je me sens mal, murmura-t-elle. Je t’en supplie, attends… Je crois que je vais tomber… Viens dans le patio avec moi, je m’étendrai sur la natte fraîche… Attends… Je t’aime… mais je suis presque évanouie. »

Je me dirigeai vers une porte.

« Non, pas celle-là. C’est la chambre de maman. Viens par ici. Je te guiderai. »

Un carré de ciel noir étoilé, où s’effilaient des nuées bleuâtres, dominait le patio blanc. Tout un étage brillait, éclairé par la lune, et le reste de la cour reposait dans une ombre confidentielle.

Concha s’étendit à l’orientale sur une natte. Je m’assis auprès d’elle et elle prit ma main.

« Mon ami, me dit-elle, m’aimerez-vous ?

– Tu le demandes !

– Combien de temps m’aimerez-vous ? »

Je redoute ces questions que posent toutes les femmes, et auxquelles on ne peut répondre que par les pires banalités.

« Et quand je serai moins jolie, m’aimerez-vous encore ?… Et quand je serai vieille, tout à fait vieille, m’aimerez-vous encore ? Dis-le-moi, mon cœur.



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